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              DISTANCE
 note à propos des oeuvres sympathiques
 Par sympathique on qualifiera la capacité d’une proposition 
              artistique à n’apparaître qu’à certains 
              regards, sous certaines conditions et dans certains contextes. On 
              pourra aussi suggérer qu’une oeuvre sympathique, comme 
              l’encre du même nom, suppose pour se révéler 
              un éclairage spécial ou un réactif social précis. 
              On ajoutera qu’elle nécessite toujours un angle de 
              vue particulier pour être aperçue. Eventuellement, 
              par opposition, on qualifiera d’antipathique la propension 
              de certaines oeuvres à s’imposer à tous par 
              la seule autorité de leur légitimité statutaire 
              tout en réservant leurs motifs d’appréciation 
              à quelques-uns. On donnera bien sûr des exemples (il 
              ne faudra pas craindre de se brouiller avec quelques amis).
 
 On posera pour commencer que les oeuvres sympathiques ne sont pas 
              toutes électroniques ou numériques, mais qu’elles 
              tiennent toutes cette qualité particulière de l’expérience 
              du réseau. Il faudra peut-être faire un bref historique 
              pour montrer qu’avant internet il était très 
              improbable que fut conçue une oeuvre qui esquive volontairement 
              la question de son statut et passe délibérément 
              inaperçue. On insistera sur la différence essentielle 
              entre club et communauté. On proposera de considérer 
              internet comme l’écosystème des oeuvres sympathiques, 
              mais on soulignera que toutes les oeuvres numériques ne sont 
              pas sympathiques, loin s’en faut, et on donnera aussi quelques 
              exemples.
 
 On tentera de comprendre pourquoi la plupart des oeuvres sympathiques 
              sont des formes téléchargeables et on analysera les 
              principales qualités de ces formes en les comparant terme 
              à terme aux formes exposées.
 Un chapitre important sera consacré à l’économie 
              des oeuvres sympathiques. On étudiera la façon dont 
              le marché de l’art s’est adjugé le monopole 
              du jugement esthétique et comment il s’est institué 
              en espace exclusif de visibilité des propositions artistiques. 
              On analysera la manière dont il a graduellement asservi les 
              instances traditionnelles de légitimation en intégrant 
              les musées et les centres d’art dans un vaste marché 
              des évènements culturels. On décrira la pratique 
              effective des artistes et des amateurs d’art pour montrer 
              que le marché est essentiellement une fiction et qu’à 
              l’ère d’internet il n’est plus une fatalité 
              pour les artistes. On indiquera comment les oeuvres sympathiques 
              pourront atteindre une viabilité économique sans se 
              soumettre aux impératifs du capitalisme cognitif.
 
 On proposera que ces premières notes pour une théorie 
              des oeuvres sympathiques servent d’introduction approximative 
              au projet “A distance” du Collège Invisible .
 
 Maria Wutz
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